« Platonov », la toute première pièce de Tchekhov qu’il a écrite à 18 ans, s’articule autour de Platonov, fils de gentilhomme ruiné devenu instituteur, et Anna Pavlova, dite la Générale. Les hommes sont tous amoureux de cette belle veuve comme les femmes le sont de Platonov. Et pourtant, dans cette pièce, Tchekhov raconte ce sentiment de vide qu’éprouve Platonov, négatif et néanmoins sympathique. Cette vacuité nous parle.
La magnifique mise en scène d’énergies de Benjamin Porée est un grand moment de théâtre. Joëlle Gayotdans, dans son émission à France Culture « Changement de décor » du 3 février dernier , a salué LA performance en annonçant qu’elle accueillait « l’avenir probable du théâtre français en la personne de Benjamin Porée et de ses acteurs Elsa Granat et Joseph Fourez. »
Nous sommes allés voir cette pièce pour le plaisir et le plaisir était au rendez-vous ! Il faut dire que le jeune metteur en scène Benjamin Porée et ses acteurs (notamment Elsa Granat et Joseph Fourez) de sa compagnie La musicienne du silence sont tous talentueux et remplis d’énergie… Oui car l’énergie de 35 personnes sur un plateau de théâtre s’échange et se transmet à tout un public qui ne voit pas passer les 4h 30 du spectacle. 35 comédiens sur scène qui font la fête ! Une foule d’invités, élèves d’une école de théâtre et des amateurs , est orchestrée avec une étonnante maitrise et une belle harmonie pour que cette longue scène reste une des belles scènes de la pièce. L’auteur alterne les plans larges et les plans plus serrés, comme dans une mise en scène de cinéma. Le spectateur tour à tour est invité au spectacle de l’ensemble et aux dialogues entre deux personnages.
Dans cette adaptation, il ne subsiste pas d’éléments notables de l’époque même si les prénoms sans cesse énoncés nous conduisent tout droit vers une Russie provinciale. Le décor et les costumes servent parfaitement le jeu de la mise en scène où se mêlent espoirs et envies instinctives de vivre. Ici, on s’aime comme on se déteste, on s’apprécie, on se contredit, on parle, on rentre et l’on sort souvent. Et si l’on mange peu malgré le nombre important de tables dressées, on boit beaucoup. Le passionné de théâtre J.P. Thibaudat écrit dans sa critique« …Les bouteilles pleines du début seront à la fin comme les personnages : liquidées, vidées. Peu à peu l’espace sera déserté, mettant les âmes à nu ».
C’est dans tous ces moments de la pièce que passent les différents courants d’énergie… Le public les reçoit et est ébloui.
Le spectacle a été créé au Théâtre de Vanves en mai 2012, a été recréé en janvier avec d’importants changements pour être repris à l’Odéon (dates non précisées)